F. Brissaud, automne 2001 – Publié dans les Cahiers de Gestalt-Thérapie, n°11, « Commencer et finir », printemps 2002.
Introduction
Lorsque à la fin de l’automne 2000 je me suis occupée de fixer le sujet ma thèse, je me trouvais de-puis plusieurs mois dans la situation désagréable de ne plus disposer d’un système théorique qui me convienne pour parler de la Gestalt-thérapie et pour réfléchir sur ma pratique. Par ailleurs, après l’université d’été de juillet 2000 : « Pratique du champ et pratique de la psyché », le concept même de champ était remis en cause. C’est donc au champ, fondement du système théorique gestaltiste, que je me suis intéressé dans ma thèse.
Quand j’ai cherché dans la littérature gestaltiste et que j’ai interrogé des collègues gestalt-thérapeutes pour trouver une définition du champ les réponses que j’ai obtenues ont été pour le moins variées ! Voilà quelques réponses assez représentatives de la diversité que j’ai pu rencontrer :
« Le champ est l’interaction de l’organisme et de l’environnement »
« Le champ est l’espace sensible dans lequel évoluent les protagonistes »
« Le champ est le champ de l’expérience »
« Le champ ne se définit pas »
« Le champ c’est nous tous ici »
« Le champ est nécessaire pour satisfaire nos besoins d’amour, pour créer et détruire des objets, pour absorber nos colères, notre affection… »
« Il y a plusieurs sortes de champs »
« Si le champ ne peut rester lié à l’organisme comme une partie de celui-ci, l’organisme sera détruit par le champ »
« Le champ est le Self en action, dans une temporalité, à la frontière-contact »
Certes le champ est à la base du système théorique de nombreux gestaltistes mais en même temps les citations précédentes donnent une idée de la diversité de la conception et de l’utilisation de ce concept. Par ailleurs, lorsqu’un auteur fait référence au concept de champ, il est rarement défini préci-sément. Bien plus souvent il est présenté par analogie ou à partir d’exemples voire n’est pas défini du tout présupposant par là une forme de consensus. Lorsqu’il est défini, le lecteur se trouve souvent confronté à une oscillation de la position de l’auteur dans son approche du champ, soit au long des différents articles, ce qui peut relever d’une évolution de sa pensée, soit au sein d’une même contribution ce qui est plus délicat pour le lecteur.
Pour comprendre ces oscillations, il me semble qu’il faut remonter aux travaux de Kurt Lewin qui a introduit le concept de champ en psychologie, c’est ce que je commencerai par faire. Ensuite, je présenterai les points de vue de quelques gestaltistes pour enfin adopter une définition phénoménologique du concept de champ et en ébaucher les conséquences sur le système théorique de la Gestalt-thérapie.