SUR FOND DE THÉORIE DU SELF
F. Brissaud, printemps 2005 – Publié dans les Cahiers de Gestalt-Thérapie, n°18, « D’un regard, l’autre », automne 2005.
Introduction
Bien que formé à la Gestalt-thérapie à partir de la théorie du self, depuis plusieurs années je ne trouve plus dans celle-ci un étayage satisfaisant pour ma pratique et ma réflexion. Toute pratique pouvant être théorisée de différentes façons et toute théorie mise en pratique de multiples façons, la théorie du self ne peut être le fondement de notre approche mais seulement une théorisation possible parmi d’autres pour la Gestalt-thérapie considérée alors comme une discipline professionnelle dont l’objet et le projet restent à construire . Si cette théorie est donc contournable pour étayer et penser la pratique d’un gestalt-thérapeute, en revanche elle constitue actuellement le fond partagé par les membres de la communauté gestaltiste ou tout au moins celle représentée par le CEG-T. Sa connaissance est donc un critère essentiel de socialisation dans cette communauté pour les étudiants formés par les instituts de formation. De plus, dans une formation expérientielle faisant appel à différents formateurs, transmettre une théorie trop éloignée de celle transmise par les autres forma-teurs ne me semble pas favoriser la construction, par les étudiants, des bases nécessaires à leur future pratique de psychothérapeute. Ainsi, dans la perspective de contribuer à trans-mettre la Gestalt-thérapie, je suis revenu vers la théorie du self pour tenter d’en construire une réélaboration plus satisfaisante pour moi.
Le courant représenté par le CEG-T est issu de la redécouverte, à travers leurs élèves au début des années 80, du travail de F. Perls et de P. Goodman. Ces 25 dernières années ont été le temps d’un travail d’appropriation, de transmission et de développement de la théorie initiale dans laquelle plusieurs auteurs ont relevé des oscillations, des incohérences, des contradictions, des polysémies, etc. Ces lacunes sont le reflet de ce qu’est Gestalt-therapy : un premier travail d’élaboration et de synthèse de points de vue différents voire opposés ainsi qu’un travail prospectif, peu étayé par une pratique qui en était à ses tout débuts puis-que son développement est postérieur à la publication de l’ouvrage. Or ces lacunes ne favori-sent pas la transmission de la théorie dans les formations, ni l’utilisation de celle-ci pour interpeller la pratique, ni la communication vers un public non gestaltiste. Comme Gestalt-therapy est l’unique publication de l’équipe initiale, construire une théorie « mieux for-mée » requiert un travail de sélection, d’aliénation, d’agression et d’invention, en un mot dans un ajustement créateur avec la théorie du self qui revient à chaque lecteur.
Le projet de cet article, qui débute par une réflexion sur la notion de théorie et de « bonne » théorie est de proposer une réélaboration à partir de notre théorie initiale. Ce travail de mastication s’est accompagné d’excitation, mais la perspective de faire état de ses résultats s’accompagne maintenant d’anxiété, en un mot j’ai peur d’être rejeté et je ne suis pas sûr que cette peur soit sans fondement. Je trouve toutefois du soutien dans les propos de Jacques Blaize lors des Collégiales du CEG-T de janvier 2005 affirmant qu’il « faudra bien un jour s’attaquer aux incohérences de notre théorie ».